EMDR : le vrai mode d’emploi
Par Sylvain Michelet
Les événements traumatisants sont des expériences qui dépassent notre capacité d’adaptation. Ils sont pires que stressants; ils nous menacent, nous choquent et nous terrifient. Ils peuvent nous faire perdre le contrôle de nous-même et nous accabler de sentiments de terreur, de honte, de désespoir et d’impuissance. Comme ces événements sortent de l’ordinaire, ils peuvent provoquer des réactions qui nous semblent extrêmes et « folles ». Non seulement ces réactions et symptômes sont normaux, ils constituent souvent un bon moyen de s’adapter à des circonstances très éprouvantes.
Le DSM-IV définit le terme traumatisme comme le fait de vivre ou d’être témoin d’un événement lors duquel quelqu’un est blessé ou menacé de sévices physiques. Cet événement provoque d’intenses sentiments de peur, de désespoir ou d’horreur.
Nous employons une définition bien plus large du traumatisme. Cette définition présente le traumatisme comme une expérience subjective et jugée perturbante et/ou terrifiante par la personne elle-même. Cela comprend les traumatismes continus ou récurrents, à l'enfance et à l'âge adulte, tels que les mauvais traitements physiques ou psychologiques (Ex. négligence, maltraitance,agression verbale ou physique, violence conjugale, abus sexuel, etc.).
Source: Women's College Hospital, 2012
Il y aurait environ 20 études scientifiques contrôlées sur l’EMDR. Leurs résultats indiquent que l’EMDR est efficace pour diminuer ou éliminer les différents symptômes de Stress post-traumatique pour la plupart des clients. Souvent les clients rapportent aussi une amélioration des autres symptômes associés, tel que l’anxiété.
Actuellement, les lignes directrices de la International Society for Traumatic Stress Studies reconnaissent l’EMDR en tant que thérapie efficace dans le traitement du Stress post-traumatique. Il en est également ainsi pour le U.S. Department of Veterans’ Affairs and Department of Defense, le United Kingdom Department of Health, le Israeli National Council for Mental Health, ainsi que d’autres organisations en santé ou agences gouvernementales.
De plus, certaines études ont aussi indiqué que l’EMDR peut être un traitement efficient et rapide. Pour plus d’information le site web de l’Association internationale de EMDR présente une bibliographie de la recherche portant sur l’EMDR : www.emdria.org
Source: EMDR Canada
QU’EST-CE QUE L’EMDR
POUR ADOLESCENTS
Si vous avez le sentiment d’aller mal, ça a probablement à voir avec quelque chose de difficile qui vous est arrivé. C’est peut-être en rapport avec un accident, une agression, de l’intimidation, un incendie, ou quelque chose de plus horrible. Peut-être cela n’est-il arrivé qu’une fois, mais ça peut aussi avoir duré des mois ou même des années. Quand on vit ce genre de choses, ça peut changer votre façon d’être. Ce qui s’est passé peut, par exemple, passer et repasser en boucle dans votre esprit comme un film ou bien vous n’avez plus envie de rien ou peut-être que vous ne pouvez plus dormir. Vous pouvez aussi être très vite énervé(e) ou avoir du mal à vous concentrer.
Beaucoup de jeunes ne comprennent pas pourquoi ils se mettent brusquement à réagir tout à fait différemment d’avant. En fait, cela vient des souvenirs des choses graves qui leur sont arrivées. Et des impressions terribles, des pensées horribles qui vont avec. Heureusement, il y a quelque chose qui peut les aider rapidement. Ça s’appelle l’EMDR.
L’EMDR, qui signifie en anglais « désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires », est une forme de thérapie pour les enfants, les adolescents et les adultes qui ont vécu une ou plusieurs expériences pénibles, quand ces expériences ont entraîné chez eux des problèmes psychologiques. Les scientifiques pensent que dans ces cas, les souvenirs des expériences pénibles ne sont pas stockés comme ils devraient l’être dans la mémoire. Quand l’EMDR aura corrigé ça, les problèmes qui vous ont amené(e) ici vont diminuer ou disparaître.
L’agréable avec l’EMDR, c’est que vous allez voir apparaître les améliorations rapidement. Si vous n’avez eu qu’une seule mauvaise expérience, vous aurez probablement fini la thérapie plus tôt que quelqu’un qui a été menacé ou maltraité plus longtemps. Mais même dans ces cas, l’EMDR est très utile.
Liza (17 ans):
« Quand j’ai commencé, j’avais des
cauchemars. Ils avaient l’air tellement
vrais que c’était comme si j’étais encore en train d’être abusée. J’avais du mal à dormir et je n’arrivais pas
à me concentrer pendant la journée, alors mon travail de classe partait
complètement en vrille aussi. Je me
reprochais l’abus sexuel. Je me disais
que c’était comme une punition pour quelque chose de mal que j’avais dû faire
avant. Maintenant, quand je pense que je
me sentais responsable des actes de mon cousin, ça me met en colère. Je sais que je vaux autant que tout le monde,
et que je mérite donc du respect moi aussi.
Les cauchemars ont disparu. Je
dors mieux et ça marche bien à l’école aussi parce que je suis bien plus en
forme. Au début, je trouvais ça un peu bizarre,
ces mouvements avec les yeux. Mais, il
suffit de voir où j’en suis maintenant.
J’ai beaucoup plus confiance en moi et je n’ai plus peur que ça m’arrive
de nouveau. »
QU’EST-CE QU’ON VA CHOISIR?
D’abord, le thérapeute va vous demander de lui faire le récit de ce qui vous est arrivé, et de bloquer le récit sur « l’image » qui est la plus difficile à regarder pour vous. Ensuite tous les deux, vous allez trouver un moyen pour que vous ne vous sentiez plus aussi mal chaque fois que vous repensez à ces choses difficiles. Ça marche comme ça : pendant que vous vous concentrez sur « l’image dans votre esprit », sur ce que ça vous fait penser et ce que ça vous fait ressentir dans le présent, le thérapeute va vous demander de faire, en même temps, une autre chose qui n’a rien à voir. Ce sera l’une de ces trois choses :
Ø
ou bien vous
suivez ses doigts du regard pendant qu’il les fait aller et venir devant vos
yeux;
Ø
ou bien vous
tapotez dans les mains du thérapeute (ou c’est lui qui tape dans les vôtres;
Régulièrement, le thérapeute vous demandera ce que vous remarquez et ce qui change. Il peut s’agir d’images, de pensées, d’émotions, mais aussi de sensations physiques : des tensions, une douleur. Parfois, des choses apparaissent dont vous n’avez pas envie de parler ou que vous avez peur de dire. Ne vous inquiétez pas, vous n’êtes pas obligé(e) de le faire. La thérapie va se poursuivre jusqu’à ce que vous ne soyez plus affecté(e) du tout par les souvenirs de l’expérience pénible que vous avez vécue.
Ne soyez pas étonné(e) si vous pensez davantage que
d’habitude à cette (ou ces) expériences pénibles ou à des choses liées à ces
expériences pendant la période où vous serez en thérapie : le mécanisme de
traitement des informations de votre cerveau a été activé, et ce mécanisme ne
s’arrête pas quand vous quittez le bureau du thérapeute. Vous aurez peut-être un peu d’anxiété ou un
peu d’énervement ; heureusement, cela disparaît en moyenne dans les trois
jours suivant une séance de thérapie. Et
il est possible aussi que vous n’éprouviez rien de semblable.
Damien, 13 ans : ça avance tout seul
« Quand j’ai commencé les mouvements
d’yeux, immédiatement, des tas de trucs sont arrivés : des images, des
idées, des sentiments. Quelquefois, ça
n’avait aucun rapport. Il y avait des
quantités de choses qui passaient. Mais
le thérapeute te guide vraiment bien : quand tu arrêtes les tapotements ou
les mouvements d’yeux, tu dis juste ce que tu ressens, ce qui change ou ce qui
te passe par la tête. Au début, je
croyais qu’il fallait rester sur la première image ou la faire revenir, mais il
n’y a pas besoin de contrôler ou de rester sur quelque chose. C’est pour ça que c’est une thérapie vraiment
à part. Ça avance tout seul. Il faut simplement avoir le cran de se
concentrer sur soi-même.
Ça suffit. »
Kelly, 15
ans : je me suis dit : trop bizarre, ce truc !
« La première fois,
ça a été vraiment difficile parce que je ne savais pas trop à quoi m’attendre. On t’explique certains trucs au départ, mais
c’était quand même un peu vague. Je me
suis dit : trop bizarre, ce truc !
Oh, et puis bon ! Mais de toute
façon, ça ne va pas m’aider.
J’avais aussi très
peur d’être obligée de parler à quelqu’un de ce qui m’était arrivé parce que je
ne l’avais encore jamais dit à personne.
La première étape, c’est d’apprendre à faire confiance à ton thérapeute
et d’essayer d’être à l’aise. Comme ça,
on arrive à se concentrer et la thérapie marche mieux. L’EMDR est quand même très différente de ce
qu’on appelle les thérapies par la parole, parce que parler, ça t’aide d’un
côté, mais ce que tu as vécu n’est pas moins pénible. Ce qu’il y a de bien avec cette thérapie,
c’est qu’on travaille sur ses mauvais souvenirs, et ça aide vraiment à
avancer. Je n’ai pas eu besoin de parler
beaucoup pendant la thérapie, et ça m’allait bien. On a traité ce qui m’est arrivé, petit bout
par petit bout jusqu’à ce que tout soit réglé.
C’était vraiment dur de me concentrer sur un souvenir que j’avais
toujours essayé d’éviter au maximum.
Mais, on se met à penser autrement et les
sentiments douloureux
changent et disparaissent. J’avais de
moins en moins peur, je me sentais de moins en moins tendue et coupable. Aujourd’hui, je peux y repenser sans que ça
fiche ma vie en l’air sans arrêt."
Vous pouvez poser toutes les questions que vous
voulez à votre thérapeute.
Cela ne l’ennuiera pas du tout
TU BOUGES TES YEUX ET ÇA S’EN VA DE TA TÊTE
Tu es venu ici parce qu’il t’est arrivé quelque chose de grave qui te fait souffrir. Peut-être que c’était un accident de voiture ou un incendie ou quelqu’un qui s’est moqué de toi ou même qui t’a fait du mal ou autre chose de grave. C’est peut-être arrivé une seule fois ou peut-être que ça a continué pendant longtemps, des mois ou même des années. Quand on vit des choses graves comme ça, quelquefois on se sent tout bizarre à l’intérieur, et quelquefois on revoit ce qui s’est passé, comme un film qui passe et repasse dans ta tête. Peut-être qu’à cause de ça, tu n’as plus de goût à rien et tu a peut-être aussi du mal à dormir ou bien tu te mets en colère ou tu es dans la lune, et alors, tu n’arrives plus à te concentrer.
Pour beaucoup d’enfants, c’est bizarre de ne plus être comme avant d’un seul coup. Mais, c’est à cause de ce qu’ils ont vécu, et des choses affreuses et tristes qui restent dans la tête. Heureusement, il y a quelque chose qui peut t’aider rapidement, et qui s’appelle EMDR.
VITE FAIT, BIEN FAIT
L’EMDR, c’est une thérapie qui marche très bien pour les enfants comme toi. Pour faire de l’EMDR, tu vas chez quelqu’un qu’on appelle un psychothérapeute (ou un thérapeute, c’est la même chose). Un thérapeute, c’est un monsieur ou une dame qui est là pour t’aider à aller bien de nouveau. L’EMDR marche très bien. Il y a des fois où ça marche plus vite que d’autres. Si cette vilaine chose ne t’est arrivée qu’une fois, tu vas guérir plus vite que d’autres garçons et filles qui ont eu des vilaines choses pendant longtemps, ça se comprend. Mais même là, l’EMDR peut vraiment t’aider. Quand ils ont fait de l’EMDR, beaucoup d’enfants disent qu’ils ont trouvé ça amusant.
« Je me sens beaucoup mieux. Je dors bien. Je suis content, j’ai envie de faire des choses maintenant. J’ai bien aimé le truc de bouger les yeux. C’était marrant. »
QU’EST-CE QU’ON VA CHOISIR ?
Qu’est-ce qui se passe pendant la thérapie ? D’abord, le thérapeute va te demander de lui raconter ce qui t’est arrivé, et de lui dire l’image du moment où tu te sens le plus mal quand tu y penses. Il peut aussi te demander de le dessiner.
Ensuite, tous les deux, vous allez trouver un moyen pour que tu ne te sentes plus mal comme ça chaque fois que tu penses à ces choses difficiles. Ça marche comme ça : tu te concentre sur « l’image dans ta tête » (ou sur ton dessin), sur ce que ça te fait penser et ce que ça te fait ressentir. Et en même temps, tu vas faire quelque chose de complètement différent. Le thérapeute va choisir une de ces trois façons de faire :
* ou bien tu tapotes dans les mains du thérapeute avec tes mains (ou c’est lui qui tapote dans les tiennes).
Sophie (9 ans) :
« La première fois, je me suis demandé si ça allait m’aider. Mais la deuxième fois, j’étais sûre que oui, parce que je me suis sentie bien, tranquille. Je n’ai plus peur de faire des choses comme avant, et je suis vraiment heureuse maintenant ».
À quoi penses-tu maintenant?
De temps en temps, le thérapeute va te demander : « qu’est-ce que tu ressens maintenant ? » ou « à quoi penses-tu ? » Quelquefois, tu vas revoir des images de ce qui s’est passé. Ou alors brusquement, tu vas te dire quelque chose, comme par exemple que c’était ta faute. Peut-être tu te sentiras triste, tu auras peur, ou tu seras en colère. Ou bien tu vas remarquer des choses nouvelles dans ton corps, comme la gorge qui te gratouille, ou mal au ventre, et tu le diras au thérapeute. Et quand il n’y aura plus rien de rien qui t’embêtera, tu lui diras : « rien ». La thérapie continuera jusqu’à ce que tu puisses regarder « l’image dans ta tête » (ou le dessin) et que ça ne te fasse plus rien. Jusqu’à ce que ça ne te fasse plus souffrir. C’est ce qu’on cherche. Les problèmes que tu avais en venant ici la première fois seront devenus tout petits, ou ils auront complètement disparu.
« Quand on tape avec les mains, on dirait que ça s’envole tout. C’est comme si on faisait ‘abracadabra’, et ça s’envole tout de la tête en tout petits morceaux.Et ça ne revient jamais.